Autres articles de cette rubrique :
Pauline de Beaumont : sa famille, ses amis ... et Chateaubriand :
Exposition à la bibliothèque municipale, septembre / octobre 2013
Rappel des principaux régimes de 1789 à 1804
Du 9 Juillet 1789 au 3 Septembre 1791 : assemblée nationale constituante (monarchie constitutionnelle)
De Septembre 1791 à Septembre 1792 : assemblée législative ; première terreur avec les massacres de Septembre.
Du 21 Septembre 1792 au 26 Octobre 1795 : convention nationale qui fonde la première république. Terreur à partir du 10 Août 1793.
Du 26 Octobre 1795 au 9 Novembre 1799 (le 18 Brumaire an VIII) : le Directoire
Du 9 Novembre 1799 au 18 Mai 1804 : le Consulat qui déboucha sur le Premier empire.
- Son père
Armand-Marc de Montmorin de Saint Hérem est né en 1746, de la branche cadette d’une célèbre famille auvergnate (château de La Barge). Il fut :
menin du dauphin (futur Louis XVI)
cornette de la compagnie des chevaux-légers du roi
gouverneur de Mussy grâce à son grand-oncle
ministre auprès de l’électeur de Trêves en 1774
ambassadeur à Madrid de 1778 à 1784. Il revient à Paris au moment de l’indépendance des États-Unis et restera en contact avec le gouverneur Morris. Nommé maréchal de camp, il va rétablir l’ordre en Bretagne où les États sont turbulents.
Nommé ministre des Affaires Étrangères en 1787 en remplacement de Vergennes, il participe au renvoi de Calonne.
Nommé ministre des Affaires Étrangères en 1787 en remplacement de Vergennes, il participe au renvoi de Calonne. Parmi ses amis, citons : Malesherbes, le comte de La Luzerne, Lafayette, Necker. En 1790, il est convaincu de la nécessité d’une monarchie constitutionnelle :
« Ce que l’on appelle la Révolution n’est que l’anéantissement d’une foule d’abus accumulés au cours des siècles. Ces abus n’étaient pas moins funestes à la nation qu’au monarque. Ils n’existent plus. La nation n’a plus que des citoyens égaux en droits, plus de despote que la loi, plus d’organes que les fonctionnaires publics, et le roi est le premier de ces fonctionnaires. Telle est la révolution française. Elle est faite, elle est complète, elle est sans retour. Espérer le contraire serait une erreur dangereuse et toute entreprise fondée sur cet espoir nous plongerait dans un abîme dont il est impossible de sonder la profondeur et dans lequel toute l’Europe serait entraînée avec nous. »
Il renoue avec Mirabeau et, dans l’espoir de sauver le roi, crée l’ « atelier de police » , cellule occulte pour corrompre les chefs révolutionnaires tels Santerre et Desfieux. A la mort de Mirabeau, en Avril 1791 et surtout après la fuite à Varennes (Juin 1791), l’étau se resserre autour de lui. Attaqué par Condorcet, il désire quitter son poste et s’exile dans son château de Theil après son discours à la Législative sur la situation de la France vis-à-vis des puissances étrangères. Il doit rentrer à Paris début 1792, refuse de faire partie d’un conseil secret et essaie de persuader le roi des dangers de l’émigration combattante.
Il est de plus en plus inquiété avec ses amis Malouet et Bertrand de Molleville. Après le manifeste de Brunswick, instruit des événements du 10 Août 1792, il se cache mais est arrêté le 21 Août, interrogé par Brissot, mis en accusation, condamné à être envoyé à la prison de la Force, il fut assassiné à sa sortie du tribunal à coup de hache et de pique (2 Septembre 1792).
Hôtel des Montmorin
++++
- Sa mère
Françoise-Gabrielle de Tanes est issue d’une lignée piémontaise et auvergnate. Elle fut dame de Mesdames de France puis dame d’atours de Madame Sophie. Elle mourut sur l’échafaud le 10 Mai 1794.
Sa soeur
Marie-Victoire devint, en 1787, Madame de la Luzerne. Elle décéda en prison en 1794.
- Ses frères
Auguste, enseigne de vaisseau, il périt dans la mer des Indes en 1793, en rentrant d’une expédition à l’île de France (île Maurice). Voici un extrait de la lettre d’adieu qu’il fit parvenir à son père en Décembre 1791 : « Vous me dites, mon cher papa, que je suis heureux d’aller dans un pays tranquille ; mais quel bonheur puis-je trouver,, lorsque je ne sais pas si vous êtes en sûreté !… Adieu, mon cher papa ; n’oubliez jamais votre fils et croyez qu’il ne cessera jamais de vous respecter et de vous aimer tendrement. »
Auguste Montmorin
Antoine Hugues Calixte fut guillotiné le 10 Mai 1794 avec sa mère et la sœur du roi, Madame Élisabeth.
- D’autres personnages de cette lignée ont laissé des traces dans les annales de l’Aube et de la France
Le grand-oncle
Gilbert de Montmorin de Saint Hérem (1691-1770), évêque de Langres, habita souvent à Mussy et y signa ses lettres pastorales de 1763. C’est dans son château que Pauline naquit.
La cousine
Françoise Lucie de Montmorin de Saint Hérem fut abbesse de l’Abbaye de Notre Dame aux Nonnains à Troyes en 1756. Elle réalisa d’importants travaux sur le vieux couvent de 1777 à 1782. Cette bâtisse devint en 1794 le siège de l’administration départementale ( préfecture).
Le mari Christophe-François de Beaumont (1770-1811) était le fils du marquis de Beaumont, ami du père de Pauline. Le mariage fut un désastre. Pauline revint chez son père au bout de quelques mois. De Beaumont revint à la charge durant le ministère de Montmorin mais celui-ci le menaça d’une lettre de cachet. Pendant la Révolution, il n’émigra pas mais devint ami avec le général Dumas et Précy, député de l’Yonne qui vota la mort du roi et l’arrestation de Marat. De Beaumont persécuta Montmorin jusqu’à sa mort, il divorça en 1800 à la demande de Pauline et se remaria à Francfort.
L’un des arrière-grand-père de Pauline
François de Montmorin, gouverneur d’Auvergne est resté célèbre pour la lettre écrite à Charles IX, en 1572, lors du massacre de la Saint Barthélemy : « Sire, j’ai reçu un ordre de Votre Majesté de faire mourir tous les protestants qui sont en ma province. Je respecte trop Votre Majesté pour ne point croire que ces lettres sont supposées, et si, ce qu’à Dieu ne plaise, l’ordre est véritablement émané d’elle, je la respecte trop pour lui obéir. »
++++
L’acte de naissance de Pauline a été recopié par Monsieur Dautriat dans les Archives de catholicité de Mussy :
« L’an mil sept cent soixante huit, le vingt août, je soussigné curé de Mussy-l’Evêque, ay baptisé Marie Michel Frédéric Ulric Pauline née ce jour du légitime mariage de haut et puissant seigneur Messire Armand Marc, comte de Montmorin de Saint Hérem, seigneur de Montmorin et autres lieux, cornette de la Compagnie des Chevaux légers de la garde du Roy et gouverneur de la dite ville de Mussy et de haute et puissante dame Gabrielle Françoise de Tanes, dame de Mesdames de France, son épouse. Le parrain a été haut et puissant seigneur Messire Emmanuel Frédéric, marquis de Tanes, seigneur de Chadieu, Tallende, Monton, Les Martres, La Chaux, Montgros et autres lieux, demeurant audit Chadieu, représenté par le sieur Claude Rougeot, maître d’hôtel de Monseigneur l’Évêque Duc de Langres ; la mareine haute et puissante dame Madame Marie Michel de Montgon, veuve de haut et puissant seigneur Messire François Gaspard, comte de Montmorin, seigneur du dit lieu, Sessies, Boissonnel, Maymont, Tour et autres lieux, chevalier de l’Ordre de Saint Louis, capitaine réformé dans la cavalerie, demeurant à Paris, en son hôtel, rue du Cherche Midy, faubourg Saint Germain, paroisse Saint Sulpice, représentée par Anne Magdeleine Désessartz femme du dit seigneur Rougeot. Les représentants ont signé avec le dit seigneur comte de Montmorin, présent au dit baptême. »
Pauline quitta Mussy très vite et n’y revint jamais.
Elle fut d’abord élevée à Chadieu dans sa famille maternelle, puis à 8 ans, elle rejoignit l’abbaye de Fontevraud. Sa tante y était abbesse et elle s’y faisait appeler Mademoiselle de Saint Hérem. Elle rejoignit ensuite le couvent princier Panthémont, rue de Grenelle à Paris.
Elle en sortit pour se marier à Saint Sulpice le 27 Septembre 1786 avec le comte Christophe-François de Beaumont et fut présentée à la cour le 4 Octobre. Elle quitta son mari au bout de quelques mois et fit les honneurs du salon de son père à l’hôtel Montmorin, rue Plumet, on l’on menait grand train.
« Soixante serviteurs, vingt-quatre chevaux d’écurie, un piqueur, et les cochers, les postillons, les palefreniers. Les gages de ce nombreux domestique s’élevaient à près de quarante mille livres annuelles, sans compter- c’est le mot !- treize mille livres pour l’habillement de tout ce monde, quinze cents livres pour les seuls chapeaux. Une table renommée : la bouche coûta, pour onze mois de 1787, cent soixante-quinze mille francs ; les vins en plus, de quatre à cinq cents bouteilles par mois et bonnes »
Durant ces années pré-révolutionnaires, Pauline mena une vie mondaine très agréable et reçut un grand nombre de personnages de qualité.
Parmi ses meilleurs amis, on peut citer :
son cousin François de Pange, auteur délicat et défenseur des libertés. Il appartint au club des Feuillants jusqu’en 1792 et est l’auteur de Réflexions sur la délation.
André Chénier, le célèbre auteur des Elégies et de la jeune Tarentine.
les Trudaine : Trudaine de Montigny qui, suivant l’exemple de son père reçut les physiocrates et son frère Trudaine de la Sablière
Condorcet
Rulhière, diplomate et poète qui fit graver pour Pauline un cachet représentant un chêne avec cette devise « Un souffle m’agite et rien ne m’ébranle ».
Jean-Baptiste Suard, journaliste acquis aux idées de la Révolution
Riouffe
l’abbé Morellet
Alfieri
l’abbé Louis
Adrien de Lezay, jeune écrivain qui deviendra préfet sous l’Empire.
Parmi les femmes, citons :
sa cousine Madame de Sérilly
Madame de Krüdener
La Comtesse d’Albany, amie de Beaumarchais
Madame Pourrat, femme de banquier possédant la belle demeure de Luciennes et ses filles la baronne Hacquart, aimée du jeune frère de Pauline et la baronne de Couteulx
A partir de 1788, la plus célèbre de toutes Madame de Staël, fille de Necker qui vient de publier Lettres sur les ouvrages et le caractère de Jean-Jacques Rousseau devint très amie avec Pauline.
Les amours et les liaisons y étaient nombreuses mais, bien que plusieurs amoureux soient prêtés à Pauline (De Lezay, l’abbé Louis) aucune d’entre elles n’a laissé de traces probantes.
Toute cette société pleine d’esprit et d’intelligence, d’une grande curiosité intellectuelle désire ardemment une constitution, le droit au bonheur, développe des théories politiques mais reste raffinée et élégante.
++++
Après l’exécution de Monsieur de Montmorin, sa famille partit à Rouen chez Liancourt mais revint rapidement dans l’Yonne au château de Passy chez leur cousin Mégret de Sérilly. Grâce à ce personnage accommodant car il avait abandonné tous ses titres en Octobre 1793, le calme régna jusqu’au 13 Février 1794. A cette date, Guesnot, commissaire du comité révolutionnaire de la section des Piques, recherche Viomesnil qui a défendu Les Tuileries et qui s’est un temps réfugié à Passy mais celui-ci est mort, suite à ses blessures et a été enterré sous un faux nom.
« …un soir que nous étions à souper, après avoir entendu un bruit de sabots dans la cour, nous vîmes entrer dans la chambre trois brigands armés de sabres, de pistolets et de bonnets rouges ; ils avaient rassemblé tout le village, de peur d’une résistance… Je souffrois d’un violent tremblement qui s’étoit emparé de moi(sic)… Ils montrèrent l’ordre d’arrêter Monsieur de Sérilly et toute personne suspecte chez lui. Le plus féroce et le plus grossier des trois brigands me conduisit chez moi… me traita de contre-révolutionnaire, m’enferma dans ma chambre et il emporta les clefs »
Monsieur de Sérilly fut arrêté puis le 6 Avril, furent traduits devant le tribunal révolutionnaire le prisonnier mais aussi Madame de Sérilly, les Montmorin, Madame de la Luzerne. Pauline ne fut pas inscrite sur la liste (oubli d’un scribe ?). La légende veut qu’elle fut arrêtée avec les autres puis jetée au bord du chemin, vu son état d’extrême faiblesse mais cette version n’est qu’une invention de certains de ses biographes.
Fouquier-Tinville signa l’ordre d’exécution le 9 Mai et Madame de Montmorin, Calixte et monsieur de Sérilly furent exécutés le 10 en compagnie de 23 autres personnes dont la sœur du roi. Madame de La Luzerne très malade mourra quelques jours plus tard et Madame de Sérilly qui a fait croire à une grossesse sera sauvée par la chute de Robespierre le 26 Juillet.
Pauline fut chassée du château, mis sous scellés. Elle fut recueillie en Juillet par Paqueraut un paysan de l’endroit et résida rue des Groseilliers à Passy dans une petite maison vétuste. Joubert apprenant sa solitude vint la voir et devint son ami. Leur correspondance ne cessera plus. Fin 1794, elle décida pourtant de retourner à Paris :
« … Ayez un peu pitié de vous, madame, et attendez 95… Ce Paris n’a que des rues impraticables… Laissez ces lourdes diligences aller et venir sans vous, tant qu’elles pourront s’embourber… »
Elle partit pourtant le 29 Décembre : « Je pars Monsieur, triste de ne pas vous dire adieu, le cœur serré de quitter ma chaumière et effrayée de revoir cette ville teinte du sang de ce que j’avais de plus cher au monde ; et cependant je vais revoir mes amis »
Elle songea à habiter avec sa cousine de Sérilly mais celle-ci partit bientôt en Bourgogne ; elle vit alors d’hôtel en hôtel et sa santé se dégrade.
« Vous ne toussez plus que 3heures par jour ; quelle misère ! Vous me dites cela comme si ce n’était rien. Je vais bien vous soigner, de gré ou de force… »
Elle revit quelques amis De Pange, Madame de Staël, et continua de correspondre avec Joubert. Pourtant sa santé ne s’améliora pas :
« L’habitude qu’elle a prise de café et de thé extraordinairement fort, d’acides qui lui picotent les nerfs et d’éther pour peu qu’elle se sente la tête embarrassée lui est absolument contraire et cependant la privation de ces boissons la jette dans l’assoupissement. »
De 1796 à 1799, elle vit tantôt à Paris, à l’hôtel du Congrès, rue Chabanais, tantôt à Passy chez sa cousine qui s’est remariée avec De Pange, tantôt dans son château de Theil qu’elle ne tardera pas à perdre.
Elle revit Madame de Staël dont le brave Joubert se méfiait mais elle s’en éloigna après une visite à Ormesson car l’influence de Benjamin Constant sur celle-ci lui déplût.
Elle entama une procédure de divorce fin 1799 car la vie tumultueuse de son ex-mari la gêne. Elle gardera toutefois son nom.
++++
Pauline quitta Theil définitivement pour Paris en 1800. Pasquier, un ami, lui céda un appartement, rue Neuve du Luxembourg et en 1801, elle ouvrit, chaque soir, un petit salon très fréquenté par les membres restants de l’aristocratie. Elle y reçut :
Joubert
Fontanes
le poète Chênedollé
Molé
Guéneau de Mussy
Mesdames Duras, de Vintimille, Hocquart
Elle éprouva une grande amitié pour Adrien de Lezay.
On discute littérature, peinture, art dramatique, politique. Joubert y fait l’éloge du Concordat. Tous pensent que Bonaparte aidera les savants et les intellectuels. On aime également se donner des surnoms et c’est ainsi que Pauline sera l’Hirondelle et plus tard Chateaubriand sera l’Enchanteur.
Fontanes leur parle d’un jeune écrivain qu’il admire et qui vient de rentrer de son exil anglais sous le nom de Jean-François Lassagne car il est toujours sur la liste des émigrés. Son passeport le décrit ainsi : « Jean-François Lassagne a des cheveux châtains, des yeux noirs, le nez grand, la bouche moyenne, le menton et le visage longs ». A la demande de Joubert, Fontanes amena Chateaubriand chez Pauline début 1801.
Il a trente-deux ans et est auréolé de ses malheurs et de sa célébrité commençante car il vient de publier Atala. Il est accueilli avec enthousiasme. Pauline succomba rapidement à son charme et ils se virent plusieurs fois par jour.
Elle écrit à Joubert :
« Le style de Monsieur Chateaubriand me fait éprouver une sorte de frémissement d’amour ; il joue du clavecin sur toutes mes fibres. ».
Après sa mort, Chateaubriand fit son portrait : « De figure plutôt mal que bien…mais il y avait les yeux…Ses yeux, coupés en amande, auraient peut-être jeté trop d’éclat, si une suavité extraordinaire n’eût éteint à demi ses regards en les faisant briller languissamment, comme un rayon de lumière s’adoucit en traversant le cristal de l’eau… »
++++
En mai 1801, Pauline loua à Savigny-sur-Orge, une petite maison « le domaine de Courte-rente » afin de permettre à Chateaubriand de travailler à son Génie du Christianisme .
Ce fut la période la plus heureuse de sa vie.
Voici comment elle raconte leur installation dans une lettre à Joubert :
« Avant même la fin du voyage, il avait oublié ses sujets d’inquiétude et de chagrin. Jamais je ne l’ai vu plus calme, plus gai, plus enfant et plus raisonnable, il n’y a pas jusqu’à Monsieur Pigeau (le propriétaire) qui n’ait été un sujet de joie pour nous. Nous redoutions sa figure sur le seuil de la porte : il était absent ! Et ensuite, quand il est venu me faire signer son état de la maison, et le supplément de douze poules et de deux coqs, et le retranchement de sept lignes composées de soixante-douze mots, il nous a pris un fou rire qui dure encore. »
Cette maison était située à l’entrée du village et adossée à un coteau de vignes. Elle possédait au rez-de-chaussée un grand vestibule, un salon, une salle à manger et une cuisine et à l’étage une très grande chambre et plusieurs petites. Il y avait un jardin avec des bosquets et un bassin.
Les amants y restèrent tout l’été et l’essentiel du Génie du Christianisme y fut écrit. Pauline dépouilla et annota une grande quantité de livres de religion : L’histoire ecclésiastique, les Lettres édifiantes, les livres des Missionnaires…
Joubert fut inquiet de la quantité de volumes réclamés et craignit que le livre ne soit pas assez personnel : « Qu’il file la soie de son sein ; qu’il pétrisse son propre miel, qu’il chante son propre ramage ; il a son arbre, sa ruche et son trou. Qu’a-t-il besoin d’appeler là tant de ressources étrangères ?… C’est plus de son génie que de son savoir qu’on est curieux ! »
Après une visite, en Septembre, au château du Marais chez Madame de la Briche, Chateaubriand devint impatient de terminer son ouvrage et de le publier en début d’année 1802.
Joubert fut inquiet de la quantité de volumes réclamés et craignit que le livre ne soit pas assez personnel : « Qu’il file la soie de son sein ; qu’il pétrisse son propre miel, qu’il chante son propre ramage ; il a son arbre, sa ruche et son trou. Qu’a-t-il besoin d’appeler là tant de ressources étrangères ?… C’est plus de son génie que de son savoir qu’on est curieux ! »
Après une visite, en Septembre, au château du Marais chez Madame de la Briche, Chateaubriand devint impatient de terminer son ouvrage et de le publier en début d’année 1802.
Fin Novembre, de retour à Paris, Chateaubriand fit la connaissance de Delphine de Custine, « La reine des roses ! », et s’éloigna peu à peu de Pauline.
Le Génie du christianisme parut en Avril 1802. L’accueil fut excellent au plus haut sommet de l’État car Bonaparte songeait à signer le Concordat.
++++
Pauline a compris que Chateaubriand n’a plus besoin d’elle. Il a effectué un voyage en Bretagne pour se rapprocher de son épouse délaissée afin de briguer un poste de diplomate. Il est nommé secrétaire de légation à Rome le 24 Mai 1803.
La santé de Pauline décline rapidement.
Le 2 Août, Guéneau de Mussy écrit à Chênedollé : « …. A mon avis, sa santé s’altère de plus en plus ; je crois les sources de la vie desséchées ; sa force n’est plus qu’irritation et son esprit plein de grâce ressemble à cette flamme légère, à cette vapeur brillante qui s’exhale d’un bûcher près à s’éteindre. Ce n’est pas sans une sorte d’effroi que j’envisage les fatigues du voyage qu’elle projette d’entreprendre au Mont-Dore, d’où, je le conjoncture, elle se rendra dans le département du Tibre. »
Pauline, en effet, veut se soigner avant de se rendre à Rome contre l’avis de ses amis les plus proches.
Elle retarda son voyage pour réparer une erreur diplomatique de Chateaubriand qui a mécontenté son ambassadeur le cardinal Fesch, l’oncle de Bonaparte, en rendant visite à l’ex-roi de Sardaigne. Pauline intervint auprès de son ami Fontanes qui est alors membre du Corps Législatif.
Elle partit pour Clermont-Ferrand le 28 juillet 1803. Son voyage fut très éprouvant ; elle tousse sans cesse, souffre de la chaleur, ne trouve aucun hébergement correct en arrivant au Mont-Dore. Elle prend des douches et des bains qui achèvent de l’affaiblir. Toutefois, sa décision de se rendre à Rome est irrévocable. Elle écrit à Chênedollé : « Je ne me tire d’affaire que par de grands repos… Je tousse moins mais il me semble que c’est pour mourir sans bruit… »
Elle partit début Septembre sans prévenir Joubert : seuls Chênedollé et Lucile, la sœur de Chateaubriand furent au courant. Elle arriva en Lombardie épuisée et y trouva Bertin venu l’accueillir. Chateaubriand la rejoignit à Florence et fut « terrifié… Elle n’avait plus que la force de sourire ». Après Spolète, elle désira voir les cascades de Terni. Elle ne put faire que quelques pas et dit : « Il faut laisser tomber les flots ».
Chateaubriand l’installa à la villa Margherita près de la place d’Espagne. Fin Octobre, elle fit sa dernière promenade au Colisée.
++++
Le jeudi 3 Novembre, Chateaubriand adressa une lettre au comte Guillaume de la Luzerne, beau-frère de Pauline et son dernier parent : « Vous pouvez juger, monsieur, quel fut mon état pendant toute la nuit. La malade ne me permit pas de la passer dans sa chambre. Je demeurai dans l’appartement voisin, tremblant à tous les mouvements et à tous les bruits que j’entendais. »
Dans la matinée, Pauline demanda l’abbé de Bonnevie, Grand Vicaire de Lyon et elle lui déclara « …que les malheurs inouïs dont elle avait été frappée pendant la Révolution, l’avaient fait douter quelque temps de la justice de la Providence et qu’elle était prête à reconnaître ses erreurs… »
A la fin de la matinée, elle reçut les sacrements et fit ses adieux à son amant. Elle le pria de faire venir Madame de Chateaubriand et de vivre désormais avec elle. Elle mourut vers 3 heures.
Pour les officiels, à Rome, elle fut considérée uniquement comme la fille du comte de Beaumont, descendante d’une illustre famille. Le pape Pie VII, les membres du Sacré Collège et même le cardinal Fesch prirent régulièrement de ses nouvelles. Ses obsèques furent célébrées en grande pompe le dimanche 6 Novembre à Saint Louis des Français. Chateaubriand présidait la cérémonie ; la princesse Pauline Borghèse, sœur de Napoléon envoya sa voiture et ses gens pour le cortège.
Chateaubriand demanda au comte de La Luzerne deux faveurs qui lui furent accordées : prendre pour serviteurs le couple Saint Germain qui avaient suivi Pauline depuis son enfance et faire élever à ses frais un monument. Il confia l’exécution de ce projet au sculpteur Marin ; un marbre devait être placé sur la tombe avec l’inscription du verset de Job que Pauline répétait souvent « Quare misero data est lux et vita his qui in amaritudine animae sunt ? » (Pourquoi la lumière a-t-elle été donnée au misérable et la vie à ceux qui sont dans l’amertume du cœur ?). L’autre marbre, debout est appliqué contre le mur de la chapelle. Une jeune femme, mourante, est couchée sur son lit et elle montre d’une main les portraits de sa famille. On peut lire l’épitaphe suivante : « Après avoir vu périr toute sa famille, son père, sa mère, ses deux frères et sa sœur, Pauline de Montmorin consumée d’une maladie de langueur, était venue mourir sur cette terre étrangère. François-Auguste de Chateaubriand a élevé ce monument à sa mémoire. »
Joubert fut inconsolable et écrivit à un ami : « Chateaubriand la regrette sûrement autant que moi mais elle lui manquera moins longtemps. Je n’avais pas eu, depuis neuf ans, une pensée où elle ne se trouva. »
++++
J’ignore les formes d’un testament ; mais j’espère que, s’il y a quelque défaut dans la rédaction de celui-ci, mes héritiers n’en suivront pas moins mes dernières volontés avec exactitude.
Je laisse à Germain Couhaillon, pour lui et sa femme (ou à sa femme s’il n’existait plus), tous deux actuellement à mon service, et depuis trente-huit ans à celui de mon père, la somme de dix mille francs une fois payée ; jusqu’au moment où on leur remettra la somme, on leur payera l’intérêt à dix pour cent.
Je laisse de plus à la femme de Germain Couhaillon toute ma garde-robe, en exceptant que deux articles que je détaillerai plus bas.
Je laisse à ma vieille bonne, madame Labit, cent cinquante francs de rente en sus des deux cents livres qu’elle a déjà. La plus grande partie de ce legs est une dette. Elle a placé de l’argent sur moi.
Je laisse douze cents livres une fois payée à Mademoiselle Michelet, ancienne femme de chambre de ma mère.
Je laisse tous mes livres sans exception à François-Auguste de Chateaubriand. S’il était absent, on les remettrait à M. Joubert, qui se chargerait de les lui garder jusqu’à son retour ou de les lui faire passer.
Je laisse à madame Hocquart née Pourrat, ma montre d’argent et mon schall bleu de cachemire.
Je laisse mes fourrures à Camille de la Luzerne.
Voilà les deux seuls articles de ma garde-robe que je ne laisse pas à madame de Saint-Germain.
Je laisse à M. Joubert l’aîné ma bibliothèque en bois d’acajou (celle qui a des glaces), mon secrétaire en bois d’acajou, ainsi que les porcelaines qui sont dessus, à l’exception de l’écuelle en arabesque, fond d’or, que je laisse à M. Julien.
Je laisse tous les portraits que j’ai et les meubles dont je n’ai pas disposé à mon beau-frère, Guillaume de la Luzerne. Je le prie seulement d’observer, que les lots de Saint-Germain, de sa femme et de ses enfants leur appartiennent, et qu’ils ont à réclamer un secrétaire, des tables, des ustensiles de cuisine dont je ne sais pas le détail ; mais on peut s’en rapporter à eux pour ne déclarer que ce qui leur appartient.
Je fais Guillaume de la Luzerne mon exécuteur testamentaire, et je n’ai pas la moindre inquiétude sur sa fidélité à remplir mes intentions. Je le prie d’accepter deux mille écus, bien faible gage de mon attachement pour lui.
Si ce testament est ouvert à temps, je désire être ensevelie dans une pièce d’étoffe des Indes qui m’a été envoyée par mon frère Auguste. Elle n’a de précieux que de me venir de lui.
Je dois laisser peu de dettes : on consultera madame de Saint-Germain sur les réclamations des ouvriers. Il est possible que j’aie deux ou trois anciens mémoires qui lui soient inconnus ; mais cela ne peut guère excéder cent écus.
J’ai dans ce moment des livres à Armand de Sérilly. Ils sont dans une malle à part ; madame de Saint-Germain les indiquera. Si j’en ai à d’autres, ils seront à part sur une planche avec le nom de ceux à qui ils appartiennent. Au reste, comme j’en emprunte sans cesse et qu’il serait possible que je n’eusse pas toujours l’attention de prendre ce soin, il faudrait s’en rapporter aux réclamants.
Je suis trop fatiguée pour faire une seconde copie de ce testament. On en trouvera le duplicata plus net dans mes papiers. Il est exactement conforme. Je compte remettre celui-ci entre les mains de madame de Saint-Germain, en cas que l’autre soit égaré.
Suivent les adresses :
M. Joubert, 118, rue Saint-Honoré ;
Madame Hocquart, rue Ferme-des-Mathurins ;
M. Julien, rue Vivienne, n°41.
Ce testament était contenu dans une première enveloppe à l’adresse de madame de Saint-Germain : on a trouvé une seconde enveloppe, cachetée de trois sceaux, sur laquelle était écrit ce qui suit :
Madame de Saint-Germain ouvrira ce paquet, qui contient mon testament ; mais je la prie, si ce paquet est ouvert à temps, de me faire ensevelir dans une pièce d’étoffe des Indes qui m’a été envoyée par mon frère Auguste. Elle est dans une cassette.
Cette copie très griffonnée de mon testament doit en tenir lieu, s’il venait à se perdre. Je l’ai relue et approuvée.
Au bas de cette expédition du notaire Lorenzini, de Rome, du 10 novembre 1803, se trouve le certificat de conformité signé par le cardinal Fesch, ministre plénipotentiaire, et par Chateaubriand, secrétaire de légation.
Cette jeune femme née dans notre village fut le produit d’une civilisation finissante et très raffinée. Elle dût supporter bien des malheurs et des souffrances supportées courageusement. Son soutien pour l’écriture du Génie du Christianisme fut essentiel et son rôle auprès des écrivains et artistes de son époque non négligeable. Elle mérite donc, à notre avis, cet humble hommage.
++++
- Sa biographie.
4 septembre 1768 : naissance à Saint-Malo, dixième enfant du comte de Chateaubriand qui a fait fortune dans la traite des esclaves
1776-1782 : études aux collèges de Dol à Rennes
1783-1785 : Collège de Dinan. Séjour à Combourg
8 avril 1791 : part pour l’Amérique : visite de Baltimore, Philadelphie, New-York, Boston, Chutes du Niagara et rencontre le général Washington.
1792 : rentre en France, épouse Céleste Buisson de la Vigne, émigre, est blessé à Thionville, regagne Bruxelles puis Jersey.
1793-1800 : séjourne en Angleterre, professeur de français, idylle avec Charlotte Ives ; publie en 1797, l’Essai sur les Révolutions. Mort de sa mère et de sa sœur Madame de Farcy, revient au christianisme.
1800 : rentre en France
1801 : publie Atala , rencontre Pauline de Beaumont. L’épisode de René sera détaché plus tard.
1802 : publie Le Génie du Christianisme
1803 : nommé secrétaire d’ambassade à Rome ; se fâche avec le cardinal Fesch, oncle de Napoléon. Après la mort de Madame de Beaumont reprend la vie commune avec son épouse Céleste.
1804 : ministre de France dans le Valais, démissionne lors de l’assassinat du duc d’Enghien. Mort de sa sœur Lucile.
1806 : publie Voyage au Mont-Blanc . Départ pour l’Orient.
1807 : installation à la Vallée-aux-loups
1809 : publie Les Martyrs. Commence Ses Mémoires .
1811 : élu à l’Académie Française ; publie Itinéraire de Paris à Jérusalem.
1814 : publie De Buonaparte et des Bourbons.
1815 : Pair de France
1816 : publie La Monarchie selon la charte et fonde le journal Le Conservateur.
1821 : Ambassadeur à Berlin
1823 : Ministre des Affaires étrangères
1824 : renvoyé, collabore au Journal des débats.
1826-1831 : publication des œuvres complètes avec Les Aventures du dernier des Abencérages, Les Natchez, Le Voyage en Amérique.
1828 : Ambassadeur à Rome
1829 : s’oppose aux ordonnances de Polignac.
1830 : refuse de servir Louis-Philippe, démissionne de la Chambre des Pairs.
1831 : publie Études Historiques
1832-1833 : arrêté pour complot (duchesse de Berry), passe aux Assises et est acquitté ; publie Mémoires sur la Captivité de la Duchesse de Berry.
1836 : publie Essai sur la littérature anglaise
1844 : publie La vie de Rance
1848 : mort à Paris le 4 Juillet. Son corps est transporté à Saint-Malo sur le rocher du Grand-Bé.
1849-1850 : publication Les Mémoires d’Outre-Tombe , version incomplète et incorrecte.
1898-1900 : aux Éditions Biré, Les Mémoires paraissent en 6 volumes.
- Analyse rapide des œuvres principales
Essai sur les révolutions
Écrit durant l’exil à Londres, il compare les révolutions antiques et les modernes notamment celle de 1789. Il rejette l’ancien régime mais également la violence. Il nie le progrès et trouve des effets pervers aux Lumières.
Génie du christianisme
Écrit en 1799 après les doubles deuils de sa mère et de l’une de ses sœurs. Paraît en 1802 après la réconciliation de l’église et de l’État. Chateaubriand souhaite démontrer que la religion chrétienne est « la plus poétique, la plus humaine, la plus favorable à la liberté, aux arts et aux lettres » et qu’elle est facteur de progrès.
Ce fut un grand succès de librairie mais cet écrit déplut à l’église qui en trouva l’orthodoxie douteuse.
L’ouvrage comporte 4 parties :
- 1re partie : Dogmes et doctrines
Cette partie montre la beauté des dogmes, des sacrements, des textes et des mystères. Elle essaie de prouver l’existence de Dieu par l’harmonie du monde et les merveilles de la nature.
- 2e partie : Poétique du christianisme
Explique l’influence de la foi sur l’inspiration et fait des comparaisons avec les auteurs antiques.
- 3e partie : Beaux-arts et littérature
Influence de la foi sur l’architecture (églises), sur la peinture (thèmes), sur les savants, les historiens, les philosophes (Pascal, Bossuet, La Bruyère, Fénelon…)
- 4e partie : Culte
Aperçu historique des traditions et des cérémonies (sonnerie des cloches, décoration des édifices, solennité des offices). Il y trouve un puissant élément de civilisation.
Atala et René furent détachés du Génie du christianisme
Chactas, vieil indien de Louisiane raconte à René, comment à vingt ans, il fut fait prisonnier par une tribu ennemie et sauvé par Atala, jeune indienne devenue chrétienne. Elle refuse de se marier pour respecter ses vœux et malgré leur amour se donne la mort.
Dans René, celui-ci raconte à Chactas son amour fraternel pour sa sœur Amélie, sa solitude et ses voyages.
Les Martyrs
Roman historique qui montre que le christianisme se prête aux développements des caractères et au jeu de la passion.
Eudore, officier chrétien de l’armée romaine sous Dioclétien se fait aimer de la druidesse Velléda qui découverte, décide de se tuer. Il retourne en Grèce et s’éprend de Cymodécée qui est consacrée aux muses. Elle se convertit et l’épouse mais lors des persécutions contre les Chrétiens, ils périssent dans l’arène.
Les mémoires d’outre-tombe
Autobiographie de Chateaubriand écrite de 1809 à 1841. 12 volumes ont été publiés entre 1848 et 1850 après une parution dans le journal « La Presse ».
Les livres 1 à 12 sont consacrés à l’enfance et à la carrière du soldat et du voyageur.
Les livres 13 à 18 sont consacrés à la littérature.
Les livres 19 à 34 relatent la carrière politique.
Les livres 35 à 42 expriment la dureté de la fin de la vie.
Cette œuvre met en évidence la peinture « du moi » d’une nature duale mais aussi de l’ennui (romantisme), des désirs, du sens de l’honneur, d’une personnalité puissante.
Chateaubriand s’est fait l’historien d’une époque. Son style est fait de phrases musicales et convient à son univers poétique.
++++
Joseph Joubert
Né le 7 mai 1754 à Montignac dans le Périgord. A 14 ans, il suit les cours des doctrinaires à Toulouse ; il s’installe à Paris en 1778, devient le secrétaire de Diderot et travaille sous sa direction à l’Essai sur la bienveillance universelle. Il est ami avec Fontanes avec qui il projette d’écrire Correspondance française. Durant la Révolution, il fut juge de paix durant 2 ans dans son village natal puis revint à Paris pour se marier avec Mademoiselle Moreau. La situation devenant intenable, il se réfugia dans une maison familiale à Villeneuve sur Yonne où il écrira la plupart de ses notes sur la nature de l’homme, la littérature, la nature. C’est à cette époque (1794) qu’il rencontra Pauline de Beaumont. Leur amitié durera jusqu’à sa mort. Plus tard à Paris, il lui présentera Fontanes puis Chateaubriand. Il exerça une profonde influence sur ce dernier qui publiera à sa mort un Recueil des pensées de Monsieur Joubert.
Vers 1840, son neveu Paul de Raynal fit relier en 16 volumes ses 205 carnets retrouvés dans une malle.
Quelques citations de Joubert :
Enseigner, c’est apprendre deux fois
Ce n’est pas l’abondance, mais l’excellence qui fait la richesse
Les enfants ont plus besoin de modèles que de critiques
Le plus beau des courages, celui d’être heureux
Le bien vaut mieux que le mieux
On ne sait ce qu’on voulait dire que lorsqu’on l’a dit
Hommes, mêlez-vous des choses humaines. Dieux, mêlez-vous des choses divines
Dans ses Mémoires d’outre-tombe , Chateaubriand trace le portrait de Joubert :
« Joubert manquera éternellement à ceux qui l’ont connu. Il avait une prise extraordinaire sur l’esprit et sur le cœur , et quand une fois il s’était emparé de vous , son image était là comme un fait , comme une pensée fixe, comme une obsession que plus rien ne pouvait chasser… C’était un égoïste qui ne s’occupait que des autres… Profond métaphysicien, sa philosophie, par une élaboration qui lui était propre devenait peinture ou poésie ; Platon à cœur de La Fontaine, il s’était fait l’idée d’une perfection qui l’empêchait de rien achever. »
Madame de Staël
Anne-Louise Germaine Necker, baronne de Staël-Holstein (1766-1817) reçut une excellente éducation et grandit au contact de tous les intellectuels de l’époque. Toute sa vie, elle sera curieuse, libre et ambitieuse. Très opposée à Napoléon, elle passera une bonne partie de sa vie en exil et voyagera dans toute l’Europe. Elle fonda avec Benjamin Constant, son amant, le groupe de Coppet. Elle rencontra Goethe et Schiller et écrivit son ouvrage De l’Allemagne (1810). Devenue une référence pour le romantisme naissant, elle publia plusieurs ouvrages :
Lettres sur le caractère et les ouvrages de Jean-Jacques Rousseau (1788)
De l’influence des passions sur le bonheur des individus (1796)
De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (1804)
Ainsi que des romans sur la condition féminine de l’époque :
Delphine (1802)
Corinne ou l’Italie (1807)
Benjamin Constant (1767-1830), s’attacha à Madame de Staël dès 1794 (groupe de Coppet). Leur longue liaison sera très orageuse.
Benjamin Constant
Ses premiers écrits défendirent le Directoire contre les mouvements réactionnaires. A l’époque de Bonaparte, il fut le leader de l’opposition. Il se ralliera à Napoléon au moment des Cent-Jours et rédigera L’Acte additionnel aux constitutions de l’Empire. Il est également l’auteur de 3 romans :
Adolphe qui dépeint sa liaison avec Madame de Staël
Cécile
un récit autobiographique Cahier rouge
Il a défendu le parlementarisme et la séparation de l’Église et de l’État.
Louis de Fontanes (1757-1821)
Né à Niort, Fontanes reçut une éducation stricte mais à la mort de son père, il ne voulut pas suivre la carrière paternelle d’inspecteur des manufactures. A Paris, il publia des poèmes au Mercure de France et devint ami avec Joubert puis avec Restif de La Bretonne. Au début de la Révolution, il fut partisan d’une monarchie éclairée. En 1792, il se réfugia à Lyon mais après la chute de Robespierre, il devint membre de l’Institut. Au coup d’État de septembre 1797, il dut fuir à Hambourg puis en Angleterre où il retrouva Chateaubriand. Il est devenu un homme d’ordre, Chateaubriand note dans les Mémoires d’Outre-tombe : « Les crimes conventionnels lui avaient donné l’horreur de la liberté ». Rentré à Paris en 1799, il gagna la faveur de Bonaparte, devint député en 1802, membre de l’Académie Française en 1803, puis membre et enfin président du Corps Législatif.
Il créa des lycées et aidé de Joubert, Royer-Collard et Guéneau de Mussy, il réorganisa le système scolaire du primaire à l’université.
Il devint comte d’Empire en 1808 mais en 1814, il se rallia à Louis XVIII.
Madame de Chateaubriand (1774-1847)
Céleste Buisson de la Vigne, née à Saint- Malo, est mariée à Chateaubriand en 1792 à la suite d’un calcul assez sordide. Chateaubriand l’abandonna ensuite durant 8 ans lors de son émigration. A la reprise de leur vie conjugale, après la mort de Pauline de Beaumont, elle tint une place de plus en plus importante dans le ménage mais sans intervenir dans la vie privée de l’écrivain. Elle fonda une œuvre de charité importante : l’infirmerie Marie Thérèse, rue d’Enfer qui l’occupa jusqu’à ses derniers jours. Elle écrivit sur la demande de Chateaubriand plusieurs cahiers de souvenirs dont l’auteur puisa abondamment pour écrire les Mémoires d’outre tombe .
Victor Hugo fit d’elle un portrait cinglant dans Choses vues :
« Une seule fois dans ma vie et dans la sienne Mme de Chateaubriand me reçut bien. Un jour j’entrais, pauvre petit diable, comme à l’ordinaire fort malheureux avec une mine de lycéen épouvanté, et je roulais mon chapeau dans mes mains. Monsieur de Chateaubriand demeurait encore rue Saint- Dominique-Saint- Germain, n°27.J’avais peur de tout chez lui, même de son domestique qui m’ouvrait la porte. J’entrai donc. Madame de Chateaubriand était dans le salon qui précédait le cabinet de son mari. C’était le matin et c’était l’été. Il y avait un rayon de soleil sur le parquet et, ce qui m’éblouit et m’émerveilla bien plus que le rayon de soleil, un sourire sur le visage de Madame de Chateaubriand. « C’est vous , Monsieur Victor Hugo ? » me dit-elle. Je me crus en plein rêve des Mille et une Nuits. Mme de Chateaubriand souriant, Mme de Chateaubriand sachant mon nom ! C’était la première fois qu’elle daignait paraître que j’existais. Je saluais jusqu’à terre. Elle reprit : « Je suis charmée de vous voir. ». Je n’en croyais pas mes oreilles. Elle continua : « Je vous attendais ; il y avait longtemps que vous n’étiez pas venu. ». Pour le coup, je pensai sérieusement qu’il devait y avoir quelque chose de dérangé soit en moi, soit en elle. Cependant, elle me montrait du doigt une pile quelconque assez haute, qu’elle avait sur une petite table, puis elle ajouta : « Je vous ai réservé ceci : j’ai pensé que cela vous ferait plaisir. Vous savez ce que c’est ? ». C’était un chocolat religieux qu’elle protégeait et dont la vente était destinée à ses bonnes œuvres. Je pris et je payai. C’était l’époque où je vivais quinze mois avec huit cents francs. Le chocolat catholique et le sourire de Mme de Chateaubriand me coûtèrent quinze francs, c’est-à-dire vingt jours de nourriture…
C’est le sourire de femme le plus cher qui m’est jamais été vendu. »
Quelques « Madame » de Chateaubriand, comme les appelait ironiquement Mme de Chateaubriand :
Charlotte Ives, anglaise
Delphine de Custine, fille de la comtesse de Sabran
Nathalie de Noailles
Cordélia de Castellane
Henriette Picault, vicomtesse de Belloy
Emilie Laffont
Delphine Gay
et Juliette Récamier
Delphine Gay
Juliette Récamier (1777-1849)
Née à Lyon dans une riche famille bourgeoise. Elle fut mariée à 15 ans au banquier Récamier dont elle était certainement la fille.
A partir de 1797, elle tint un salon rue du Mont-Blanc (chaussée d’Antin) et elle imposa la mode à l’antique. Elle devint amie avec Germaine de Staël et s’opposa à Napoléon. Elle s’éloigna de Paris durant 3 ans et revint en 1814. Elle rencontra Chateaubriand en 1817 et s’installa en 1819, à l’Abbaye-aux-Bois pour y donner des réceptions présidées par Chateaubriand. Lamartine, Sainte-Beuve, Balzac, Canova, Talma, Rachel fréquentèrent son salon.
A partir de 1840, elle devint aveugle et assista à la mort de Chateaubriand en 1848.