Autres articles de cette rubrique :

Dossier Edme Boursault :


Dossier Edme Boursault

Le département de l’Aube s’apprête à commémorer avec éclat le tricentenaire de la mort du littérateur Edme BOURSAULT.

Cet auteur de talent s’est exprimé dans de nombreuses formes littéraires : théâtre, romans, fables, gazettes, lettres et épigrammes. Il est intervenu dans les querelles littéraires de son époque, a connu la célébrité mais souvent la disgrâce de ses protecteurs. Les reprises de ses pièces de théâtre, les nombreuses rééditions de ses ouvrages montrent que sa notoriété a traversé le XVIIIe et le XIXe siècles.


Edme Boursault Littérateur du XVIIe siècle

Le XXe siècle n’a retenu que son rôle de censeur de l’Ecole des Femmes et la cinglante réplique de MOLIERE à son encontre dans « l’Impromptu de Versailles ».

Pourtant par l’étendue de son talent, la légèreté de sa plume, sa verve, sa hardiesse parfois, BOURSAULT mérite d’être redécouvert.

Eléments de biographie

Edme BOURSAULT est né à Mussy-L’Evêque, aujourd’hui Mussy sur Seine. Il y fut baptisé entre le 1er octobre et le 4 octobre 1638. Le baptême ne porte pas de quantième. Sa maison natale existe toujours (actuellement dans la rue Boursault). Une plaque commémorative y est apposée.

Son père Nicolas Boursault fut, semble-t-il, militaire dans sa jeunesse. Il est qualifié dans les actes de greffier de l’Election, notaire apostolique, échevin administrateur de l’hôpital. Sa mère Anne Thierrat, était la fille d’Edme Thierrat, notaire.

Edme était le troisième enfant du couple. Son parrain fut Mathurin de Villette, conseiller, receveur pour le roi à Bar sur Aube et sa marraine Edmone Pillot, femme de Jean Berbier, amodiateur des biens de l’évêque de Langres.

Ses biographes notent que le père se souciait peu de l’éducation de ses enfants et qu’à son arrivée à Paris, en 1651, le jeune garçon ne parlait ni le français ni le latin mais seulement le patois de la région. (on comprend mal que Boursault parlât mal le français car les Boursault et les Thierrat étaient tous des bourgeois cultivés).

Il semble que Monseigneur ZAMET, évêque de Langres, se chargea de l’envoyer faire ses études à Paris. Il est possible également que le fidèle secrétaire de MAZARIN, Boursault, bourgmestre de Charlemont et du Grand et du Petit Givet, réussit à l’introduire dans la « domesticité » d’un haut personnage.

Ses progrès furent rapides grâce à son maître le poète DES BARREAUX

Edme BOURSAULT se maria en 1666 avec Michèle MILLEY fille d’officier dont la famille était originaire du Mussy. Ils eurent 11 enfants. Nommé receveur des tailles à Montluçon en 1672, il en sera révoqué en 1688 pour s’être opposé à son fermier-général LEJARIEL.
Boursault eut beaucoup d’affinités avec son fils aîné Chrysostome né vers 1668 qui devint supérieur de l’ordre des Théatins et grand prédicateur. Edme BOURSAULT mourut le 15 septembre 1701 « d’une violente colique » et fut inhumé dans l’église de cet ordre actuellement quai Voltaire.

Le peintre LANCRET (1690-1743) fut l’époux de Hyacinthe Boursault, fille du 3e fils de l’écrivain.

++++

Boursault et le théâtre

Dans la biographie que lui a consacré son fils le Théatin, il est dit qu’à 15 ans BOURSAULT avait déjà écrit et fait représenter 7 farces sur la scène du Marais.

C’est pourtant en 1661 que paraît « le Médecin volant » farce imitée des Italiens et probablement de Molière. Viendront ensuite, « le Mort vivant » « les Cadenas ou le jaloux endormi » dont l’intrigue est celle de Georges Dandin, puis en 1664 « Les Nicandres ou les menteurs qui ne mentent point ».

Durant tout cette période BOURSAULT imite beaucoup. On trouve des réminiscences de MOLIERE, QUINAULT, SCARRON… En 1664, en pleine querelle de « l’Ecole des Femmes » il écrit une pastorale « Les yeux de Philis changés en astres » très inspirée du poème de l’abbé CERISY. Cette pièce précieuse est prolixe et peu substantielle.

Après une longue interruption et lors de son séjour à Montluçon, BOURSAULT revient au théâtre en 1673 avec une adaptation de la « Princesse de Montpensier » de MADAME DE LA FAYETTE qui n’eut aucun succès car le public d’alors n’aimait dans la tragédie que les héros de l’antiquité. BOURSAULT recula alors l’action de sa pièce de seize siècles, changea les noms des personnages et donna la pièce « Germanicus » en 1673-1674-1676 et 1689 (d’après le registre de LA GRANGE) avec un certain succès. L’Agrippine de BOURSAULT est une héroïne de roman un peu précieuse, très raffinée. Toutefois le style de la pièce est aisé et harmonieux.

En 1684, BOURSAULT écrira sa dernière tragédie moderne « Marie Stuart » qui eut peu de succès.

Mais c’est quelques mois plus tôt, le 5 mars 1683, que notre auteur écrivit l’une de ses meilleures comédies « Le Mercure Galant ». DONNEAU DE VISE qui était le fondateur d’une gazette portant ce titre obligea BOURSAULT a changé de titre et elle est aujourd’hui connue comme « La comédie sans titre ».
C’est une pièce à tiroirs qui fait défiler des quémandeurs dans le bureau d’un pseudo-directeur de gazette. Toutes les formes de la vanité, de la prétention, de la prévarication s’y retrouvent.

« J’avais un lit fort large et d’un beau taffetas
A force d’être large il était incommode
Et le tapissier BON le remit à la mode.
Par les soins que je pris, j’eus de suite un rideau.
Le cramoisi régnant, j’en fis faire un manteau.
Voici la vérité comme elle est dans sa source
Et non que mon mari m’ait refusé sa bourse.
Pour le mot de bourgeoise un trop peu répété,
Les bourgeois de ma sorte sont de qualité.
Quand vous voudrez écrire, ajustez mieux vos contes
Et sachez que je suis Auditrice des COMPTES ».
Comédie sans titre (Acte I, scène III).

BOURSAULT est à la mode et la Comédie française a toujours la pièce à son répertoire.

En 1684 ou 1685, BOURSAULT s’essaiera à l’opéra, avec « Méléagre » mais Madame de MAINTENON retirera sa commande. Il écrira à la même époque, « La Fête de la Seine » divertissement lyrique.

Le 18 janvier 1690, paraît « Esope » appelée depuis « Les fables d’Esope » ou « Esope à la ville ».
BOURSAULT introduit un genre renouvelé : la comédie morale avec introduction de fables. L’action se situe en Orient à la cour de Crésus, roi de Lydie. Mais la comédie est moderne et fait allusion aux mœurs contemporaines. Les critiques sont hardies. La pièce eut 43 représentations.

« Conseillère à la cour, Présidente à mortier,
Faisaient moins de fracas que moi dans mon quartier.
Voyant à mon époux une somme assez grosse
Je voulus avoir chaise et puis après carrosse
Et, tous les chevaux noirs n’ayant pas de grands airs,
J’en eus des pommelés comme les Ducs et Pairs..
Ayant vu par hasard, dont je fus bien contente,
De gros chenets d’argent chez une Présidente
Je priai mon mari de m’en donner d’égaux,
Et quatre jours après, j’en eus de bien plus beaux ».
Les Fables d’Esope (Acte IV, scène III).

Durant la dizaine d’années qui lui reste à vivre, BOURSAULT ne fera plus représenter que « Phaéton », grande comédie en vers libres qui fut un échec et « Les mots à la mode » (1694) amusante petite pièce sur les locutions et tournures en vogue vers la fin du siècle. On pense, bien entendu, aux « Précieuses Ridicules » écrites 40 ans avant.

« Que vous serez tous deux de jolis officiers !
Si l’on en croit le bruit que fait la renommée
De jolis officiers ornent bien une armée
Quand ils ont à leur tête un joli général,
Il n’est pour les grivois point de plaisir égal…
Feu Monsieur de Turenne, et feu Monsieur le Prince..
Ont été, selon moi, les deux plus jolis hommes
Que la France ait produits dans le siècle où nous sommes ».
Les mots à la mode (scène XI).

Trois mois après la mort de l’auteur, sera donné son « Esope à la cour » où alternent dialogues et fables. Il y reprend son rôle de redresseur de torts et y attaque les courtisans et même le roi.

« D’ordinaire les Rois y vont par la victoire
Seigneur, c’est le sentier le plus suivi par eux
Et qu’on trouve honorable, à force d’être affreux
Quelle grande bataille a-t-on jamais gagnée,
Que l’horreur n’ait suivie, ou n’ait accompagnée,
Eh ! qu’est-ce que l’on gagne, un morceau de terrain
Que le victorieux quitte le lendemain.
Cependant bien souvent pour de belles conquêtes
Il en coûte au vainqueur quinze ou vingt mille têtes,
E le sang que l’on perd dans ce gain malheureux,
Est toujours le plus noble et le plus généreux.. »
Esope à la cour (Acte I, scène III)

Quelques années plus tard, MONTESQUIEU écrivit, après avoir assisté à une représentation d’Esope à la cour : « Je fus si pénétré du désir d’être un honnête homme que je ne sache pas avoir formé une résolution plus forte bien que différent de cet ancien qui disait qu’il n’était jamais sorti des spectacles plus vertueux qu’il y était entré. C’est qu’ils ne sont plus la même chose ».

Ces paroles auraient réconforté BOURSAULT qui a souffert de l’attitude de l’église envers le théâtre.

++++

La querelle du théâtre au XVIIe siècle

Pendant tout le XVIIe siècle, l’église fait peser une lourde réprobation morale sur le théâtre et sur les acteurs. Quoique la cour et la ville raffolent des spectacles, l’église reste intransigeante. Les comédiens sont frappés d’excommunication et de sépulture en terre consacrée. Les Jansénistes condamnent le théâtre en lui-même.

Malgré l’autorisation de LOUIS XIV de fonder une académie d’opéra le fossé s’élargit entre mondains et dévots. BOURSAULT, profondément chrétien, s’était confessé, durant son séjour à Montluçon, à un curé scrupuleux qui, avant de l’absoudre, lui avait demandé de consulter un théologien sur ce cas de conscience. BOURSAULT interrogea sur le sujet le Père CAFFARO, supérieur des Théatins. Celui-ci qui ne connaissait qu’assez peu les œuvres de l’époque et qui, de plus, avait le fils aîné de BOURSAULT pour élève, lui écrivit une longue lettre qui invoquait l’opinion favorable de Saint THOMAS et faisait l’apologie du théâtre.

« De ces paroles de Saint THOMAS, il vous est aisé de juger, Monsieur, que sous le nom de jeux il comprend aussi la Comédie, quand il dit : Que ce relâchement de l’esprit, qui est une vertu, se fait par des paroles et par des actions divertissantes. Qu’y a-t-il de plus propre et de plus particulier à la Comédie, qui ne consiste qu’en des paroles et dans des actions risibles et ingénieuses, qui font plaisir et qui délassent l’esprit ? ». Lettre de Caffaro

BOURSAULT eut l’imprudence de publier cette lettre en prologue à une réédition de son théâtre en 1694 sous le titre : Lettre d’un homme d’érudition et de mérite, consulté par l’Auteur pour savoir, si la Comédie peut être permise ou doit être absolument défendue.

Aussitôt BOSSUET adressa une lettre mordante au père CAFFARO. Celui-ci se rétracta et se soumit au terrible évêque de Meaux. BOSSUET compléta son réquisitoire et fit paraître Les Maximes et Réflexions sur la Comédie (1694) où il s’en prend à tous les auteurs de l’époque. Il développe les thèmes de l’immoralité du théâtre et des dangers des émotions.

++++

Boursault et les querelles littéraires

Molière, Boileau, Racine

La querelle avec MOLIERE

Le 26 Décembre 1662, la troupe de MOLIERE donne L’école des femmes au Théâtre du Palais-Royal. Aussitôt, la critique se déchaîne. Elle durera pendant toute l’année 1663. Le 17 Mars 1663 paraissent anonymement Les nouvelles nouvelles (Paris, BIENFAICT 3 volumes.in-12) que l’on attribuera à DONNEAU DE VISE. Le 1er juin 1663, MOLIERE y répondra par La critique de l’école des femmes. Les contemporains y voient une pièce à clefs et attribuent à BOURSAULT le personnage de Lysidas. En Juillet, paraît Zélinde une comédie critique toujours attribuée à DONNEAU DE VISE. Le 1er octobre 1663, les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, donnent la comédie de BOURSAULT le portrait du peintre ou la contre-critique de l’école des femmes. MOLIERE assiste à l’une des représentations. Le 14 octobre 1663, MOLIERE réplique par L’impromptu de Versailles joué devant le roi. BOURSAULT y est traité avec mépris.

« - Voici Monsieur Lysidas qui vient nous avertir qu’on a fait une pièce contre MOLIERE, que les grands Comédiens vont jouer. Il est vrai, on me l’a voulu lire. C’est un nommé Br…, Brou…Brossaut, qui l’a faite. Monsieur, elle est affichée sous le nom de BOURSAULT ; mais, à vous dire le secret, bien des gens ont mis la main à cet ouvrage, et l’on doit en concevoir une assez haute attente. Le beau sujet à divertir la Cour que Monsieur BOURSAULT ! Je voudrais bien savoir de quelle façon on pourrait l’ajuster pour le rendre plaisant, et si, quand on le bernerait sur le théâtre, il serait assez heureux pour faire le monde. Ce lui serait trop d’honneur que d’être joué devant une auguste assemblée ; il ne demanderait pas mieux, et il m’attaque de gaieté de cœur pour se faire connaître, de quelque façon que se soit. C’est un homme qui n’a rien à perdre, et les comédiens ne me l’ont déchaîné que pour m’engager une sotte guerre et me détourner, par cet artifice, des autres ouvrages que j’ai à faire ». MOLIERE (L’impromptu de Versailles)

Le 30 Octobre 1663, paraît la première édition fort rare du Portrait du peintre avec Elomire (anagramme de MOLIERE), en second titre. La pièce est dédiée au Duc Enghien, fils du Grand Condé. Pour BOURSAULT la polémique est terminée. Début 1664, paraîtra encore, anonymement mais probablement de DONNEAU DE VISE, Les diversités galantes, qui contiennent la fameuse Lettre sur les affaires du théâtre, et la comédie La vengeance des marquis. Quelles sont les principales raisons de cette longue querelle ? Les reproches à MOLIERE sont nombreux.

Le réalisme de certaines scènes et de certains mots : « Baron ouf ! que dis-tu de cet ouf placé là ? » Edme BOURSAULT (Le portrait du peintre, scène 2) « - Il oublie un endroit effroyablement bon, Où l’on parle d’Agnès qui joue au corbillon. Pour moi, quand je l’ouis, mon plaisir fut extrême. Vous verrez, sur ma foi, que c’est Tarte à la crème Oui, c’est Tarte à la crème, et je l’aime d’amour. Parbleu ! Tarte à la crème a fait bruit à la cour. Pour moi je ne vois rien qui me charme de même. Qu’y trouvez-vous de beau ? Moi : rien. Tarte à la crème, Madame ». Edme BOURSAULT (Le portrait du peintre, scène 8)

L’impiété du sermon qu’Arnolphe fait à Agnès.

La parodie des commandements de l’église dans les dix maximes du mariage. La compagnie du Saint-Sacrement avec Conty, Lamoignon, Hardin de Beaumont de Pérefixe, archevêque de Paris, ne perdait pas une occasion de fustiger le théâtre.

IV) Le mélange du bouffon et du tragique. Le clan Corneille à qui appartenait BOURSAULT fut particulièrement inquiet du mélange des genres.

« Appelle-t-on tragique un poème bouffon ? Vous blâmez justement ce qu’il faut qu’on admire. Quoi ! morbleu ! du tragique, où l’on crève de rire ! Dans celle que je dis, le petit chat est mort. C’est le bien prendre ! Oh ! oh ! Sa remarque est certaine. Quoi ! le trépas d’un chat ensanglante la scène ? Dans une tragédie, un prince meurt, un roi. Nous sommes tous mortels, et chacun est pour soi ; Et je tiens qu’une pièce est également bonne Quand un matou trépasse, ou quelqu’autre personne ». Edme BOURSAULT (Le portrait du peintre, scène 8)

La jalousie des Grands Comédiens de l’Hôtel de Bourgogne devant le succès populaire de la pièce.

La tyrannie qu’exerçait MOLIERE sur le théâtre à la ville et à la cour.

« - Mais où l’a jouerait-ton, quand BOURSAULT l’aurait faite ? A l’hôtel de Bourgogne, où les plus délicats….. Ah ! je vous promets bien qu’on ne l’y jouera pas : Le critque est à craindre ; on n’a peur qu’il n’éclate, Et l’Hôtel de Bourgogne a passé sous sa patte ». Edme BOURSAULT (Le portrait du peintre, scène 8)

Pourquoi BOURSAULT s’est-il engagé dans cette querelle ? Il appartenait au Clan CORNEILLE. Le vieux CORNEILLE l’appelait familièrement son fils. Il ne pouvait rien refuser à ses protecteurs. De plus, il avait de grandes amitiés avec les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne notamment la famille POISSON. Par contre, il n’avait aucun grief personnel contre MOLIERE et il ne s’est jamais pris pour Lysidas qui est un vieux pédant alors que BOURSAULT, à cette époque, n’avait que 25 ans.

Quinze ans plus tard BOURSAULT fera l’éloge de MOLIERE en ces termes : « Depuis combien de temps la fidèle Thalie Dans un habit lugubre est-elle ensevelie Le front ceint de cyprès, les yeux baignés de pleurs Sans qu’un autre Molière apaise ses douleurs ! Dans les siècles passés, comme dans les siècles où nous sommes La nature était lente à faire de grands hommes Et l’aimable Thalie a longtemps à pleurer Avant que son malheur se puisse réparer ». Edme BOURSAULT (Prologue de La Princesse de Clèves)

La querelle avec BOILEAU BOILEAU-DESPREAUX publie en 1666 Les satires. Dans la satire VII, le genre satirique, qu’il avait écrite en 1663, en pleine querelle de l’Ecole des femmes, il cite BOURSAULT parmi ses ennemis qu’il traite de c’est à dire de poètes dont l’art consiste en un arrangement de mots sans égard pour la vérité et la justesse des pensées. En 1668, BOILEAU réitère ses reproches. « …..puisque vous le voulez, je vais changer de style. Je le déclare donc : QUINAULT est un Virgile BOURSAULT comme un soleil en nos ans a paru. Mais ne voyez-vous pas que leur troupe en furie Va prendre encore ses vers pour une raillerie.. ». BOILEAU (L’apologie, Satire IX)

En 1669, BOURSAULT publie une comédie en un acte et en vers La SATIRE des satires. Primitivement intitulée La critique des Satires de Monsieur BOILEAU, elle devait être jouée au théâtre du Marais mais elle fut interdite par arrêt du Parlement, le 22 octobre 1668, sur la plainte de BOILEAU « à peine de punition corporelle et de 2000 livres d’amende ». « Attaquer les vices dans tous les hommes et faire des peintures de leur noirceur donnent de l’honneur à ceux qui, en faisant réflexion sur leur vie, s’en trouvent convaincus c’est ce qu’on appelle une satire ; mais déclarer ceux d’un particulier et déchirer son nom pour le faire mieux connaître, c’est un libelle diffamatoire ». Edme BOURSAULT (Préface de la satire des Satires)

« Je ne sais si tu auras reçu Les Satires de DESPREAUX, que ce matin je t’ai envoyées.. Comme ton esprit enjoué est raisonnablement peste, je suis sûr que tu passeras à les lire deux aussi agréables heures que tu en aies passé de ta vie. Si j’étais plus considérable que ne suis, et qu’il m’eût jugé digne de sa colère, il m’aurait fait l’honneur de me déchirer comme il a fait les autres. Il ne parle de moi qu’en passant, parce qu’il n’a pas cru devoir s’arrêter sur une matière si médiocre… Edme BOURSAULT (Lettres de Babet XXXVI) Dans les éditions suivantes, après leur réconciliation, BOILEAU remplacera le nom de BOURSAULT par celui de PRADON. Cette réconciliation fut l’œuvre de BOURSAULT qui, en 1687, alors qu’il était receveur des tailles à Montluçon, offrit son aide à BOILEAU. Celui-ci en cure à Bourbon-L’Archambault perdit gros au jeu et ne pût régler ses frais. « Monsieur BOURSAULT, que je croyais mort, me vint il y a cinq à six jours.. Il me fit offre de toutes choses, d’argent, de commodités, de chevaux.. Nous nous séparâmes amis à outrance ». BOILEAU (Lettre à RACINE 19 Août 1687)

« … de tous les auteurs que j’ai critiqué, BOURSAULT était à mon sens, celui qui avait le plus de mérite… ». BOILEAU (Lettre à BROSSETTE 1er Avril 1700)

La querelle avec RACINE La première de Britannicus eut lieu le 13 Décembre 1669. Dans le préambule de sa nouvelle Artémise et Poliante, BOURSAULT raconte cet événement littéraire et mondain avec assez de méchanceté.

« Des connaisseurs, auprès de qui j’étais incognito, et de qui j’écoutais les sentiments, en trouvèrent les vers fort épurés ; mais Agrippine leur parut fière sans sujet, Burrhus vertueux sans desseins, Narcisse lâche sans prétexte, Junie constante sans fermeté, et Néron cruel sans malice… Le premier acte promet quelque chose de fort beau, et le second même ne le dément pas ; mais au troisième, il semble que l’auteur se soit lassé de travailler ; et le quatrième, qui contient une partie de l’histoire romaine, et qui, par conséquent, n’apprend rien qu’on ne puisse voir dans Florus et dans Coeffeteau, ne laisserait pas de faire oublier qu’on s’est ennuyé au précédent, si dans le cinquième la façon dont Britannicus est empoisonné, et celle dont Junie se rend vestale, ne faisaient pitié ». Edme BOURSAULT (Artémise et Poliante)

RACINE qui ne se trompe pas de cible, répond à CORNEILLE et ignore BOURSAULT. « Il n’y a rien de plus naturel que de se défendre quand on se croit injustement attaqué. Térence même semble n’avoir fait des prologues que pour se justifier contre les critiques d’un vieux poète malintentionné et qui venait briguer des voix contre lui jusqu’aux heures où l’on jouait ses comédies ». RACINE (Préface de BRITANNICUS)

Vers 1665 ou un peu plus tard, BOURSAULT, dans la préface de Germanicus tentera d’expliquer la brouille mais son motif est bien futile.. « Cette tragédie mit mal ensemble les deux premiers hommes de notre temps pour la poésie : je parle du célèbre Monsieur de CORNEILLE, et de l’illustre Monsieur RACINE, disputaient tous deux de mérite, et qui ne trouvent personne qui ne dispute avec eux. Monsieur de CORNEILLE parla si avantageusement de cet ouvrage à l’Académie, qu’il lui échappa de dire qu’il ne lui manquait que le nom de Monsieur RACINE pour être achevé ; dont Monsieur RACINE s’étant offensé, ils en vinrent à des paroles piquantes : et depuis ce moment-là, ils ont toujours vécu, non pas sans estime l’un pour l’autre, (cela était impossible) mais sans amitié. Je cite cet endroit avec plaisir, parce qu’il m’est extrêmement glorieux. Trouver GERMANICUS digne d’un aussi grand nom que celui de Monsieur RACINE c’est en peu de mots en dire beaucoup de bien : Et que ce témoignage ait été rendu par un homme aussi fameux que Monsieur de CORNEILLE, c’est le plus grand honneur que je puisse recevoir. Le lecteur jugera, s’il lui plaît qui des deux eut le plus de raison ; l’un de dire ce qu’il dit, ou l’autre de s’en offenser ». Edme BOURSAULT (Préface de GERMANICUS)

++++

Boursault et les gazettes

En 1660, Edme BOURSAULT fut nommé secrétaire des Commandements de la Duchesse d’ANGOULÊME, veuve d’un fils de CHARLES IX.

En 1661, lors d’un voyage à Sens, BOURSAULT adressa à la Comtesse une relation de voyage très divertissante. Toutes les relations de la Comtesse (le Prince de CONDE, le Maréchal de NOAILLES, le Maréchal de CREQUI…) voulurent entretenir une correspondance avec BOURSAULT. Les lettres contenaient des anecdotes, des bons mots, des vers…

La réputation de BOURSAULT parvint aux oreilles du Roi qui lui accorda 2000 livres de pension « avec bouche à la cour » pour une gazette hebdomadaire. Malheureusement, un jour que BOURSAULT dînant chez le Duc de GUISE, se plaignant de manquer d’idées, le Duc lui raconta un fait comique arrivé à une brodeuse du voisinage. Celle-ci brodait un Saint François pour les Capucins du quartier. Le père sacristain lui rendit visite pour voir l’avancement du travail. Il s’endormit pendant qu’elle travaillait et sa longue barbe s’allongea sur le métier. La brodeuse enfila son aiguille à un poil de la barbe et en fabriqua un feston. A son réveil, le père était cousu au tissu et sa colère éclata.

BOURSAULT en fit une chronique en vers qui amusa beaucoup la Cour mais les Capucins se fâchèrent et le confesseur de la Reine MARIE-THERESE obligea le Roi à envoyer BOURSAULT à la Bastille.

Le Prince de CONDE, averti, fit révoquer l’ordre mais la gazette et la pension furent supprimées. Voici les premiers vers de la supplique de BOURSAULT à CONDE :

« Grand Prince, on me traite d’impie, Et d’un hardi faiseur de vers Qui de ses traits malins perça tout l’Univers On veut que je sois la copie. Les Gens de bien sont ébaudis De voir les saints du Paradis Déchaînés contre le Parnasse… »

En Mars 1665, à la mort de Jean LORET, BOURSAULT poussé par ses amis CORNEILLE, QUINAULT, BOYER et GILBERT, tente d’obtenir le privilège de La Muse historique qui paraît depuis 10 ans. Mais LORET avait désigné LA GRAVETTE de MAYOLAS. Deux autres candidats Charles de ROBINET de SAINT-JEAN et Adrien PERDOU de SUBLIGNY (du clan MOLIERE) se partagèrent la publicité.

En 1698, BOURSAULT obtiendra un nouveau privilège pour publier une gazette mensuelle La Muse enjouée dédiée au Duc de Bourgogne, petit-fils du Roi mais elle fut supprimée des les premiers numéros bien qu’elle eut beaucoup de succès à la ville et à la Cour. En voici la raison :

En Angleterre, on avait créé une médaille où l’on voyait LOUIS XIV d’un côté avec ses mots « LUDOVICUS MAGNUS » et de l’autre GUILLAUME D’ORANGE avec ceux-ci « GUILLELMUS MAXIMUS ».

A cette occasion, BOURSAULT écrivit : « LOUIS est grand ; c’est un fait positif ; Dont l’univers n’est pas en doute. GUILLAUME, par une autre route, Prétend de la grandeur être au superlatif ; Il faut rendre justice au célèbre GUILLAUME. Il a, de son beau-père, usurpé le royaume ; Et soumis, sans combats, des peuples abattus. Successeur de CROMWELL, il en a les maximes ; Et quand LOUIS est grand, par de grandes vertus ; Si GUILLAUME est très-grand, c’est par de très-grands-crimes ».

Comme on négociait la paix avec l’Angleterre et que des tels sarcasmes pouvaient nuire à la diplomatie, La muse enjouée disparut.

++++

Boursault fabuliste

Henri CHANTAVOINE faisant une lecture publique devant la Société Académique de l’Aube en Décembre 1906 écrivit : « LA FONTAINE est le Fabuliste ; les autres sont des auteurs de fables ». BOURSAULT est un conteur alerte, un moraliste, un esprit libre et franc.

Le Dogue et le Bœuf Un dogue, superbe, envieux, Etant couché dans un champ, Fut assez lâche et méchant Pour empêcher le bœuf d’y trouver un peu d’herbe. Le bœuf en mugissant portant ailleurs ses pas Maudit sois-tu, dit-il, et que malheur t’arrive Ta méchanceté me prive De ce que tu ne veux pas.

L’Homme et la Puce Par un homme en courroux la puce un jour surprise Touchant pour ainsi dire à un moment fatal, Lui demanda sa grâce, et d’une voix soumise : « Je ne vous ai pas fait, dit-elle, un fort grand mal. » « Ta morsure il est vrai, me semble un faible outrage, Dit l’homme, cependant n’espère aucun pardon, Tu m’as fait peu de mal mais j’en sais la raison, C’est que tu ne pouvais m’en faire davantage. »

Le Sculpteur et le Poirier Il est des naturels rétifs Qui ne sont bons à rien à quoi qu’on les expose Et qu’il vaut mieux laisser oisifs Que de les mettre à quelque chose.

Un sculpteur, médiocre ouvrier, Dans une médiocre ville, Ayant dans son jardin un assez beau poirier Mais éternellement stérile, Il le fit couper, le sculpta En fit un saint qu’on acheta Pour une église de village. Mais comme à la placer il faisait un effort Il lui tomba sur le visage, Et le renversa presque mort : Il fut plus d’un quart d’heure aussi froid que le marbre Enfin d’un ton de voix languissant et contraint « Traître, dit-il, jamais tu n’as été un bon arbre Tu ne feras jamais un bon saint. »

++++

Boursault nouvelliste

ARTEMISE et POLIANTE – 1670 Histoire assez plate. Elle est surtout connue pour son prologue qui raconte la cabale contre Britannicus.

NE PAS CROIRE CE QU4ON VOIT, HISOIRE ESPAGNOLE – 1670 Histoire inspirée de Calderon.

LE MARQUIS DE CHAVIGNY – 1670 L’un des épisodes de cet ouvrage annonce « Les crimes de l’amour » de Sade.

Les actions de ces nouvelles sont contemporains de l’auteur, ce qui était fort rare à cette époque.

LE PRINCE DE CONDE – 1675 C’est une nouvelle historique qui raconte l’histoire romanesque de Louis Ier de Condé assassiné par Montesquieu. Le héros est humain, le récit linéaire, clair et écrit dans un style naturel.

Autres ouvrages : LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE – 1661 Vers de dévotion très prisés (une seconde édition eut lieu en 1667)

LA VERITABLE ETUDE DES SOUVERAINS – 1671 Traité à l’usage des « Conducteurs de peuples », dédié à Monseigneur le Dauphin, fils de Louis XIV. Le roi trouva cet ouvrage remarquable et proposa à BOURSAULT le poste de sous-précepteur du Dauphin. BOURSAULT refusa à cause de sa méconnaissance du latin et fut remplacé à ce poste par l’abbé Huet.

++++

Les autres ouvrages de Boursault

En 1661, BOURSAULT publia des vers de dévotion très prisés de ses contemporains « Les litanies de la Sainte Vierge ». Une seconde édition fut réalisée en 1667.

1670 fut l’année où BOURSAULT s’essaya au roman « Artémise et Poliante » ne mérite d’être connu que par son prologue qui raconte d’une manière fort drôle mais assez cruelle, la cabale contre « Britannicus » de RACINE. « Ne pas croire ce qu’on voit, histoire espagnole » est inspiré de CALDERON.

« Le Marquis de CHAVIGNY » est plus intéressant. L’un des épisodes du roman annonce « Les crimes de l’amour » de SADE.

BOURSAULT écrira en 1675, une nouvelle historique « Le Prince de Condé » qui raconte l’histoire romanesque de Louis Ier de Condé assassiné par Montesquieu. Le récit linéaire et clair est écrit dans un style naturel.

Les actions de ces romans sont contemporaines de l’auteur ce qui était très rare à l’époque.

Enfin, notons pour mémoire « La véritable étude des souverains » traité à l’usage des « conducteurs de peuples » paru en 1671 et dédié au dauphin. Cet ouvrage apparaît aujourd’hui bien faible pourtant le roi le trouva remarquable et proposa à l’auteur le poste de sous-précepteur du dauphin. BOURSAULT refusa à cause de sa méconnaissance du latin.

Edme BOURSAULT s’était essayé à tous les genres littéraires, avait pris position dans les querelles de son temps mais il laissa le souvenir d’un honnête homme, fidèle en amitié, compatissant aux malheurs des humbles, annonçant le siècle des lumières dans ses derniers ouvrages.

Quel plus bel hommage peut-on lui rendre que de citer son illustre correspondant Louis Armand de Simiane de Gordes, Evêque de Langres et pair de France qui lui écrivit : « Je vous donne une parole d’honneur que vous ne pouvez vous adresser à personne qui ait plus d’inclination à vous obliger que moi ; et qui soit plus sincèrement et plus entièrement à vous ».

++++

Les évêques de Langres et Boursault

Edme Boursault a connu trois évêques de Langres.

Sébastien ZAMET, quatre-vingt-quatorzième évêque de 1615 à 1655, a un véritable engouement pour Mussy. Il est d’origine italienne et sa résidence parisienne a accueilli Henri IV et ses amours. C’est un riche financier qui vit en seigneur. Il reconstruit le château de Mussy après l’incendie de 1617. Il en fait décorer les appartements par les peintres Tassel, Quentin, Lenoir. Il était le confesseur de la reine Anne d’Autriche, mère de Louis XIV et avait combattu les Jansénistes. Il a laissé le souvenir d’un évêque généreux, nourrissant les pauvres, visitant les malades atteints de la peste. Il mourut à Mussy à l’âge de 70 ans. Les biographes de BOURSAULT pensent que c’est lui qui fut l’artisan du départ de l’enfant pour Paris en 1651.

Louis III Barbier, dit De La Rivière, fut évêque de 1665 à 1670. On le dit servile, ordurier, prétentieux, coléreux, laid mais intelligent. Politicien habile, il aurait vendu les secrets de Gaston d’Orléans (dont il fut le secrétaire) à Mazarin. BOURSAULT a écrit de lui : « dans une dignité qu’il avilissait, il a trompé tous ceux qui avaient affaire à lui. »

Il fut suivi, de 1671 à 1695, du provençal Louis Armand de Simiane de Gordes qui fut le correspondant fidèle de BOURSAULT. De belle prestance, on l’appelait « Le Beau de Langres ». C’était un évêque de cour qui adorait les jeux de hasard et les mœurs libertines.

Epigrammes de Boursault à Louis Armand de Simiane : Un auteur de théâtre expert mais indigent, (Cela n’est pas une merveille) Allant un jour, faute d’argent Vendre les œuvres de Corneille ; Un ami qui le vit inquiet et rêveur Quel chagrin, lui dit-il, me faites-vous paraître ? On en aurait à moins, lui répondit l’Auteur : Je ressemble à Judas, je vais vendre mon Maître.

Henry-Quatre, en bateau passant un jour la Loire, Le Batelier, robustehomme de cinquante ans Ayant les cheveux tout blancs Et la barbe toute noire, Le Roy familier et bon En demanda la raison. La raison ? pardié, Sire, elle est bien naturelle Répondit le manant, qui ne fut point honteux, C’est mordié, que mes cheveux Sont plus vieux de vingt ans qu’elle.

Lettre de Louis Armand de Simiane à l’auteur Je ne pourrai, Monsieur, être à Paris à la Saint-Martin comme je le croyais. J’ai eu depuis trois ou quatre jours des atteintes de goutte si violentes, que personne ne me conseille de me mettre sur les chemins dans cet état. Vous devez bien vous douter que je souffrirais trop d’être malade ici, et de n’y point recevoir de vos lettres. C’est sans complaisance, l’un des plus sensibles plaisirs que j’y puisse avoir ; et que je multiplie en le communiquant à d’autres. On a peur que je ne m’en retourne à Paris, moins par l’appréhension de me perdre, que parce que vous ne m’écririez plus ; et vous êtes cause que l’on n’est pas fâché de me voir la goutte. Continuez donc, je vous prie de m’écrire, malgré la paresse qui vous est, à ce qu’on m’a dit, si naturelle ; et si vous voulez redoubler le plaisir que vous me faites, procurez-moi quelque occasion de vous en faire aussi. Je vous donne une parole d’honneur que vous pouvez vous adresser à personne qui ait plus d’inclination à vous obliger que moi ; et qui soit plus sincèrement et plus entièrement à vous. L’Evêque Duc de Langres.

++++

Boursault : témoin de son temps

En 1672, Edme BOURSAULT acheta une charge de receveur des tailles à Montluçon. Il résidait Place de la porterie, non loin de l’église Saint Pierre. C’est à Montluçon que fut écrit Le Mercure Galant ou La Comédie sans titre.

Il se démit de sa charge en 1688, à la demande de son fermier général Lejariel. Il venait de prendre la défense d’un jeune homme de dix-huit ans, arrêté injustement comme faux-saunier et condamné à une forte amende ou à défaut au fouet par la main du bourreau.

Lettre à Lejariel Montluçon, ce 24 juin 1688 « … en vérité je fais scrupule de le poursuivre à quelque amende qu’on le condamne, il lui est absolument impossible de la payer et faute de paiement il faudra qu’il ait le fouet par la main du bourreau. Je suis obligé, Monsieur, de vous représenter qu’il y a de la conscience à punir un pauvre garçon qui n’est pas coupable ; parlez-en je vous en conjure, la Compagnie et si elle ne veut point lui faire de grâce dites-lui, s’il vous plaît, que je la supplie de donner la commission de le poursuivre à quelque autre. Elle sait que je sui inflexible pour les véritables faux-sauniers mais je ne veux point me reprocher que j’aie aidé à accabler un innocent, d’autant plus que je ne me crois pas digne d’être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. » BOURSAULT

Lejariel répond en marge de la lettre : « De Paris ce 1er juillet 1688. Coupable ou non il faut qu’il paie l’amende ou qu’il soit fustigé, nous n’aimons pas les commis pitoyables, je vous recommande toujours la diligence pour le recouvrement et suis, Monsieur, tout à vous. »

BOURSAULT écrivant sa digrâce à l’Evêque de Langres concluait sa lettre ainsi : « Ne faut-il pas, Monseigneur, être un grand génie et avoir une grande équité pour faire semblable réponse. Cependant l’or et l’argent se remuent à la pelle chez lui, et je n’en ai point ; ce sont deux endroits par où la fortune est coupable. Aimez-moi toujours et je ne serai plus heureux que lui. Il a tout au moins quatre-vingts ans et deux millions de biens, et il songe à en amasser encore davantage, qu’en veut-il faire ?… pour avoir plus de peine à mourir… »

++++

Lettre de Boursault adressée à la Comédie Française

« Ce 19 février 1691

Monsieur, La maladie et la mort de ma fille aînée qui fut enterrée hier, m’ont causé tant d’occupation et de douleur que je n’ai pû vous aller dire que ma pièce que vous avez trouvé longue et méchante est aussi courte qu’Esope et peut-être meilleure. Vous devriez me rendre un peu plus de justice et ne me pas faire le premier exemple que l’on ait refusé l’ouvrage d’un auteur après une autre qui a vu un raisonnable succès. S’il y en avait quelqu’un entre les deux qui eut été sifflé que ne pourriez vous faire le pire. N’y eut-il que les seules fables qui y sont, j’en crois le succès presque infaillible. A l’égard du sujet que vous trouvez trop petit il n’en faut dans cette sorte d’ouvrage qu’autant qu’on en a besoin pour tomber adroitement aux fables et à la critique. Ce qu’il y aurait de plus y paraîtrait étranger. Enfin, Monsieur, bonne ou méchante ma pièce ne saurait point être refusée puisqu’il n’y a point d’exemple qu’immédiatement après une qui a réussi, on en aurait refusé une autre de la même plume. Comme je ne demande point de passe droit il n’est juste aussi que j’aie une pire condition que les autres et que je sois traité avec plus d’indignité. Je vous prie pendant que vous êtes tous assemblés de me faire la grâce d’y faire encore une fois réflexion et de me faire savoir… ce que vous aurez résolu. Je cherche toutes le voies imaginables de n’avoir aucun sujet de me plaindre de vous et je chercherai avec encore plus d’empressement de vous donner lieu d’être satisfaits de moi, qui vous conjure de souffrir que je sois toujours Monsieur Votre très humble et très obéissant serviteur BOURSAULT »

++++

Bibliographie

Manuscrit de la famille Boursault Remis à la ville de Mussy sur Seine en 1967

Edme Boursault de Mussy sur Seine Lucien Morel-Payen J. L. Paton, imprimeur-éditeur (1935)

Histoire de l’édition française (tome 1)

Enfantillages Yves Dupont-Fromageot

Biographie des personnages de Troyes et du département de l’Aube Emile Socard

Edme Boursault de Mussy sur Seine Henri Chantavoine Imprimerie Paul Nouel (1907)

1re candidature de langues et littératures romanes (Le médecin volant) Jordan Flohimont & Caroline Timsonet Université de Liège (1998)

Britannicus Jean Racine présenté par Thierry Maulnier Editions de l’Avenire (1947)

Théâtre complet de Jean Racine Notice de J. L. Auger Librairie Garnier (1924)

Nouveau dictionnaire historique ou histoire abrégée Par une société de gens de lettres G. Leroy & Bruyset (1789)

Œuvres choisies de Boileau Librairie Charles Poussielgue (1900)

Œuvres complètes de Molière Editions du Seuil (1962)

++++

Oeuvres de Boursault

Lettres nouvelles (tome 2) Veuve Michel Brunet (1700)

Chefs d’œuvres dramatiques de Boursault Jules Didot (1824)

Le portrait du peintre Slatkine (1969)

Treize lettres amoureuse d’une dame à un cavalier Desjonquières (1994)

Lettres portugaises, lettres d’une péruvienne et autres romans d’amour par lettres Flammarion (1983)

Lettres de respect, d’obligation et d’amour Théodore Girard (1669)

Le marquis de Chavigny Nion Père (1739)

Esope à la cour Clément Gasse (1702)

Ne pas croire ce qu’on voit, histoire espagnole Le Breton (1739)

Les litanies de la Vierge N. Pepingye (1667)

Théâtre (tomes 1 et 3) Slatkine (1970)

Le prince de Condé Préface de René Godenne Slatkine (1979)

Accueil | Actualité | Animations | Dossiers | Photos | L'Association | Liens | Contact
Gravures de Grandville | Site basé sur Spip | Espace privé | Plan du site | Sitemap |  RSS
Graphisme et Developpement: tokiop